Vous avez la tête dans les étoiles ? Cette interview est faite pour vous !
Pour continuer notre série d’actualités, Caroline Freissinet, chargée de recherche au CNRS, nous donne des nouvelles des principales missions spatiales en cours pour lesquelles la France et l’Europe sont contributeurs.
Nous tenons encore une fois à la remercier chaleureusement pour le temps qu’elle nous a accordé.

 

LA PLANETE MARS ©NASA/GREG SHIRAH

Pour commencer, pourriez-vous nous expliquer pourquoi il semble intéressant d’étudier la planète Mars ?

Il y a 4,5 milliards d’années, Mars s’est formée en même temps que la Terre. Pendant les 500 premiers millions d’années les deux planètes étaient quasiment identiques : une atmosphère dense et de l’eau liquide sous forme de lacs et rivières.
Ensuite, Mars à évolué complétement différemment de la Terre. Etant deux fois plus petite que notre planète, elle a perdu son atmosphère et a gelé (son eau liquide s’est enfouie en sous-sol et s’est échappée dans l’espace).

Ce que nous cherchons sur Mars, ce sont des traces de vie datant d’il y a presque 4 milliards d’années, quand les conditions d’apparition de la vie étaient favorables.

Aujourd’hui, on sait que c’est une planète stérile qui n’est pas du tout propice à la vie.
Cependant, en sachant que la vie sur la Terre est apparue il y a presque 4 milliards d’années, et qu’à cette période les deux planètes étaient similaires, on peut penser que la vie est aussi apparue sur Mars !

Parlez-nous de Curiosity, qu’avons-nous découvert sur la planète Mars grâce à cette mission ?

Curiosity est un rover qui a atterri sur Mars en 2012 (lancement en 2011 depuis la Terre). Son objectif n’est pas de rechercher de la vie, mais plutôt de chercher si, dans le cratère où il s’est posé, les conditions étaient favorables à l’apparition de la vie au moment de Mars primitive (il y a 3,5 à 3,7 milliards d’années).
Comme je le disais plus tôt, l’avantage de Mars est qu’elle a « gelé » il y a plusieurs milliards d’années. Mars a ainsi préservé son environnement tel qu’il était à l’époque ancienne.

Après 10 ans d’études du cratère martien où Curiosity s’est posé, nous pouvons conclure qu’il y a 3,5 à 4 milliards d’années Mars était habitable !

SELFIE DE CURIOSITY AU MONT MERCOU, MARS © NASA/JPL-Caltech/MSSS

Suite à la réussite de Curiosity, Persévérance a été lancé. Quels sont les enjeux de cette mission ?

Le programme martien regroupe plusieurs missions qui nécessitent une collaboration internationale. Persévérance est un programme américain pour lequel l’Europe, et notamment la France, participe aussi très fortement.
Chaque mission va permettre de répondre à une question et va en engendrer de nouvelles.
Curiosity a démontré que Mars était habitable il y a 3,5 à 4 milliards d’années, Persévérance va donc maintenant chercher si elle était habitée.

On considère Persévérance comme le petit frère de Curiosity. Ce rover, arrivé sur Mars en février 2021, a pour but de ramener sur Terre des échantillons de sol martien d’ici le milieu des années 2030.Pour ce faire, il creuse et récupère des petits échantillons de sol martien. Une partie de ceux-ci sont analysés sur place par le rover et les autres sont placés dans des canisters à la surface de Mars pour les ramener plus tard sur Terre.

Pensez-vous qu’il y ait eu de la vie sur mars ?

En se basant sur les résultats scientifiques, nous n’avons pas trouvé de vie ailleurs que sur Terre. Cependant, nous en avons aussi très peu cherché ! Sur toutes les missions parties dans le système solaire, une seule avait pour but de chercher la vie : sur Mars en 1976 !
A l’époque on ne connaissait pas bien le contexte de cette planète et les instruments n’étaient pas adaptés.

Une multitude d’études montrent que dès que la Terre est devenue habitable, la vie est apparue. Dans ce cas ce devrait être possible pour tous les endroits où les conditions d’apparition de la vie sont bonnes. Je suis donc persuadée qu’il y a eu de la vie sur d’autres corps du système solaire et notamment sur Mars !

LA SURFACE DE TITAN VUE PAR L'INSTRUMENT VIMS DE CASSINI. © NASA/CALTECH-JPL/UNIV. OF ARIZONA/LPG NANTES

Passons maintenant à la planète Saturne, on entend beaucoup parler de son satellite Titan et de la mission Dragonfly, pourriez-vous nous en dire plus ?

Titan est un satellite naturel de la planète Saturne. Tout comme la Terre, c’est un corps rocheux avec une atmosphère. C’est d’ailleurs cette dernière, très froide et quatre fois plus dense que celle de la Terre, qui nous intéresse particulièrement.
On sait que sous sa surface, Titan accueille de l’eau liquide, couverte par une couche de glace. On peut donc penser que la vie pourrait exister aujourd’hui sur Titan.
Il est aussi très intéressant pour nous de comprendre comment la chimie s’est développée dans une atmosphère si dense (comparable à une forte brume) qui contient tous les éléments pour construire une chimie complexe.
C’est pour répondre à ces questions que la NASA a sélectionné le projet Dragonfly.

Dragonfly (2,5 mètres d’envergure / 800 kg) est un drone qui volera dans l’atmosphère de Titan.
Les images satellite que nous avons de Titan montrent différentes couleurs qui laissent penser qu’il s’y trouvent  des environements très variés. Dragonfly aura donc pour mission de voler pour explorer et étudier plusieurs sites à la surface de Titan.

Dragonfly - image de SYNTHESE. © JHU/APL

Au collège et au lycée, on apprend les techniques analytiques, dans les laboratoires on utilise ces techniques et quand on veut les appliquer au spatial, on les miniaturise pour les envoyer dans l’espace !

Je suis la responsable scientifique de la fourniture française de Dragonfly. A l’intérieur de ce drone, on trouve 4 instruments, dont DraMS qui sert à faire des analyses chimiques. Au sein de ce dernier, la France réalise le sous-système « chromatographe en phase gazeuse » (DraMS-GC) qui reprend la même technique analytique que celle qu’un élève applique en TP de chimie !
Dans notre Laboratoire de Guyancourt (Yvelines) nous sommes donc actuellement en train de fabriquer cet instrument qui sera implémenté sur Dragonfly.

Le départ de Dragonfly est prévu en 2027 pour un atterrissage sur Titan en 2034 !
Ce qui est intéressant de noter c’est que dans ce genre de mission à long terme, une bonne majorité des scientifiques qui analyserons les données de Dragonfly sont actuellement au collège et au lycée !

Vous souhaitez en savoir plus ?

Découvrez l’interview complète de Caroline Freissinet, chargée de recherche au CNRS.